Découverte d'un gène interrupteur en cause dans l'épilepsie

Découverte du gène clef « interrupteur » de l’épilepsie : le NRSF

Les symptômes de l’épilepsie, ses signes prédictifs ou son traitement méritaient depuis longtemps que la Recherche comprenne mieux les mécanismes de cette affection neurologique. Une équipe de chercheurs franco-américaine vient de découvrir un gène-clef – le Neuron-Restrictive Silencing Factor (NRSF) – qui va ouvrir une nouvelle voie sur le « mal comitial ». Révélée sur le site de l’Iserm et publiée dans la revue Annals of Neurology, la publication de ces travaux de recherche donne l’espoir pour des traitements préventifs efficaces et une meilleure prise en charge des patients.

Découverte d'un gène interrupteur en cause dans l'épilepsie

Épilepsie : une affection neurologique, pas une maladie mentale

L’épilepsie est une affection neurologique qui se caractérise par des crises d’épilepsie, avec des symptômes soudains, dont l’hyper-activité cérébrale paroxystique peut se manifester sous plusieurs formes (convulsions, perte de conscience, hallucinations visuelles, auditives ou somesthésiques). Elle enveloppe un ensemble de maladies qui se manifestent par des crises épileptiques.

Cet ensemble d’affections du cerveau, provoque des crises épileptiques de façon chronique. « Faire une crise ne signifie pas nécessairement que l’on est épileptique », et l’épilepsie « se définit par la répétition des crises, plus ou moins fréquemment et plus ou moins longtemps dans la vie d’un individu ». Maladie neurologique très fréquente, placée juste après la migraine, l’épilepsie touche 1 à 2 % de la population mondiale.

« L’épilepsie du lobe temporal (ELT) est la forme d’épilepsie la plus fréquente chez l’adulte. Elle est résistante à tout traitement pharmacologique dans 30 % des cas. De plus, l’ELT est souvent associée à des déficits de mémoire et d’apprentissage ainsi qu’à des états dépressifs ou anxieux. Ces désordres sont souvent vécus par les patients comme étant plus invalidants que les crises d’épilepsie elles-mêmes. »

Neuron-Restrictive Silencing Factor : l’identification d’un gène en cause

Le Pr. Christophe Bernard, directeur de recherche Inserm, et son équipe – de la Timone à Marseille – viennent de co-découvrir avec une équipe américaine de l’Université de Californie à Irvine, un gène-clef dans le mécanisme qui mène à la transformation d’un « cerveau sain » en « cerveau épileptique ».

Ce gène, qui serait activé à la suite d’une agression cérébrale, contrôle à lui seul l’expression de 1 800 autres gènes. Ces dérèglements amenant une réorganisation considérable des réseaux de neurones participeraient à l’apparition de l’épilepsie. Le gène se prénomme NRSF (Neuron Restrictive Silencing Factor). La protéine NRSF ainsi générée va recruter d’autres protéines qui vont empêcher la lecture de l’ADN au niveau de certains gènes, et donc empêcher la production des protéines codées par ces gènes.

« Cette réorganisation est responsable de l’apparition des crises et des désordres associés, comme les déficits de mémoire. Un des éléments le plus frappant de cette réorganisation est une modification de l’expression de milliers de gènes qui déterminent l’organisation fonctionnelle des cellules du cerveau. Chaque gène modifié constitue donc une cible thérapeutique potentielle. C’est la direction prise par la recherche fondamentale et pharmaceutique pendant de nombreuses années. Restaurer la fonction d’un gène pourrait être suffisant pour empêcher le développement de l’épilepsie. Mais ce type de stratégie – cible unique – n’est pas très efficace. »

Interview du Professeur Christophe Bernard  | Découverte du gène de l’épilepsie

La voie d’un traitement préventif de l’épilepsie

Nommée « Epilepsie », l’équipe dirigée par le chercheur Christophe Bernard de l’Unité Inserm U751 à La Timone (Marseille), en collaboration avec l’équipe américaine (Tallie Z. Baram, Université de Californie à Irvine) a voulu saisir les mécanismes responsables de la réorganisation des gènes. « L’idée est que plus on agit en amont, plus le traitement sera efficace. » souligne le chercheur français. (Cette citation se rapproche aussi du dernier rapport sur le bénéfice d’un traitement rapide du VIH, qui réduirait de 96% le risque de contamination).

Pour cette étude, grâce à l’utilisation des modèles animaux d’ELT (épilepsie du lobe temporal), les chercheurs ont ensuite « fabriqué et injecté des leurres chimiques (des peptides appelés oligodéoxynucléotides) qui captent et fixent la protéine NRSF produite, empêchant ainsi son action sur ses gènes cibles. Ce traitement permet de restaurer l’expression des gènes bloqués par NRSF, restaurer la production des protéines codées par ces gènes, et les fonctions assurées par ces protéines. Ces leurres chimiques, injectés chez les animaux, ont un effet thérapeutique important : ralentissement de la progression de l’épilepsie, diminution du nombre de crises, et restauration d’une activité cérébrale (rythme thêta) qui joue un rôle central dans de nombreuses fonctions de mémorisation et d’apprentissage. ».

Annonce majeure dans la Recherche en santé, l’identification de cet « interrupteur » majeur responsable de la transformation d’un cerveau « sain » en cerveau « épileptique » trace la voie à de futurs traitements préventifs, destinés aux personnes risquant de développer une épilepsie, suite à une agression du cerveau. Une nouvelle pleine d’espoir.

©

Sources : via Iserm inserm.fr/espace-journalistes/l-identification-d-un-interrupteur-responsable-de-la-transformation-d-un-cerveau-sain-en-cerveau-epileptique  / via Annals of Neurology DOI: 10.1002/ana.22479 « NRSF-mediated HCN channelopathy in experimental temporal lobe epilepsy »

Equipe de chercheurs : Shawn McClelland 1, Corey Flynn 2,3, Celine Dubé1, Cristina Richichi 1, Qinqin Zha 1, Antoine Ghestem 2,3, Monique Esclapez2,3, Christophe Bernard 2,3, Tallie Z. Baram 1.
(1) Departments of Anatomy/Neurobiology, Pediatrics and Neurology, UC Irvine, Irvine, CA USA,92697-4475
(2) Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, Unité Mixte de Recherche 751,Laboratoire Epilepsie et Cognition, Marseille, France
(3) Université Aix-Marseille, Marseille, France

Liens utiles | Association Épilepsie France | Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie  |