Nutriscore : poisson d’avril ou réel bénéfice pour les consommateurs ?

Nutri-score : réel bénéfice pour les consommateurs ou poisson d’avril ?

Chaque année ou presque, on voit apparaître des labels et des certifications de toutes sortes. Quel que soit le domaine, le consommateur est sollicité en permanence. Même si en réalité il ne passe pas son temps à lire les étiquettes et autres indications qui précisent l’origine, la méthode de fabrication ou les ingrédients. A se demander si ces précisions ne sont pas là pour noyer le poisson plutôt que d’informer sur la réalité.

Notre alimentation n’est pas épargnée. Le secteur de l’agroalimentaire pullule de ce type de labellisations et de certifications (comme la dérive du « bio business »). Toutes avec la bonne intention de nous renseigner et de nous guider pour notre bien-être et notre santé, cette technique du « tout label et tout certifié » en est devenue presque douteuse et fatigante.

Dans le cadre de la réflexion sur le système d’étiquetage des aliments (et d’un copier-coller venu d’outre-Manche et outre-Atlantique), le ministère chargé de la santé a lancé une étude comparative dont les résultats démontrent l’intérêt et l’efficacité du logo Nutri-score (appelé aussi « 5 C »). Ce nouveau logo pourra être apposé dès avril 2017 sur les produits alimentaires. Mais qu’en est-il réellement ?

Logo nutritionnel : Nutri-score


Comment est calculé le Nutri-score ?


Le système Nutri-score prévoit une notation des produits alimentaires allant de A (vert) à E (rouge), A étant le meilleur score. Pour chaque lettre correspond une fourchette de notes. Plus la note finale du produit est importante, plus le produit est jugé mauvais :

ALIMENTS SOLIDES BOISSONS
·  A-Vert : de -15 à -2 · A-Vert : de -15 à 0
·  B-Jaune : de -1 à 3 ·  B-Jaune : de 1 à 4
·  C-Orange : de 4 à 11 ·  C-Orange : de 5 à 8
·  D-Rose : de 12 à 16 ·  D-Rose : de 9 à 11
·  E – Rouge : 17 à 40 ·  E – Rouge : 12 à 40

La note finale d’un produit alimentaire dépend de 7 critères


Les 4 critères « négatifs » (points A)


nutriscore nutrition critères 1


Les 3 critères « positifs » (points C)


nutriscore alimentation critères 2


Calcul de la note finale


  • Si les points A < 11, alors score = points A– points C -Si les points A ≥ 11
  • Si les points pour les fruits, légumes et noix = 5, alors score = points A – points C
  • Si les points pour les fruits, légumes et noix < 5, alors score = points A – (points pour les fibres + points pour les fruits, légumes et noix

– Pour 3 catégories d’aliments (boissons, fromages et matières grasses), des évaluations selon d’autres critères ont été spécifiquement crées ;

– Pour les boissons, 2 critères : La quantité de sucre et la valeur énergétique

– Pour les fromages, les mêmes 7 critères à la différence près que les points pour les protéines sont retranchés au score même si les points A sont ≥ 11.

– Pour les matières grasses, 1 critère : La quantité de graisses saturées.

Quand on n’y regarde pas de plus près, tout cela semble assez cohérent. En effet, on nous rabâche à longueur de journées qu’il ne faut pas manger trop gras, trop sucré, trop salé. Sans oublier nos 5 fruits et légumes par jour !

Comment noyer le poisson dans l’eau ?


Oups, il me semble que Nutri-score a oublié de prendre en compte quelques critères qui ont leur petite importance dans la santé du consommateur, mine de rien !

Ah! Mais oui les conservateurs, les colorants, les édulcorants, les émulsifiants, les nitrites qui font la jolie couleur du jambon, les traitements industriels (hydrogénation des huiles, raffinage des sucres, des farines, des huiles) qui rendent les calories vides de tous bénéfices nutritionnels et j’en passe….

Mince, ça veut dire qu’un biscuit bourré d’édulcorant et d’émulsifiants pourra avoir un joli A-Vert parce qu’il ne contiendra que très peu de sucre et de gras, alors qu’un biscuit avec des ingrédients simples et inoffensifs pour la santé, pourra être affublé d’un terrible E rouge ?

J’ai dû louper quelque chose ! A quoi sert ce logo Nutri-score ? Mais bien sûr, à nous rappeler qu’il faut manger plus régulièrement et en plus grandes quantités des légumes, des fruits, des protéines plutôt que du gras, du sel et du sucre. Heureusement qu’une équipe de scientifiques a travaillé de longs mois sur ce projet pour nous rappeler à la voie de la sagesse alimentaire.

S’il est certain que les apports en gras, en sucre et en sel doivent être limités, il me semble néanmoins que ce système de notation nutritionnel n’ait que faux semblant. On nous dit qu’il poussera les industriels à améliorer leurs recettes. Pourtant, si l’ajout de toute sorte d’additifs n’est pas pris en compte dans cette note, cela risque au contraire de conforter l’usage de la technologie et de la chimie dans l’objectif de biaiser la note et le consommateur. Pire encore, cette notation risque de fortement défavoriser des produits à la composition naturelle comme j’ai pu le démontrer dans l’exemple du biscuit.
Pour mieux comprendre les enjeux des transformations alimentaires, je vous propose de lire cet extrait de Christian Rémésy, directeur de recherche à l’INRA.

« L’industrie agro-alimentaire empoisonne-t-elle les consommateurs ?

On ne peut pas le dire de cette façon mais la production industrielle n’a pas été conçue pour être adaptée aux besoins de l’homme. On ne peut pas parler d’un empoisonnement au sens propre mais, en revanche, on peut parler d’un « empoisonnement énergétique ». A partir des aliments, l’industrie agro-alimentaire extrait des matières grasses, du sucre, de la farine raffinée. Tout cela en isolant la partie énergétique de la partie non-énergétique, composée par exemple de fibres et de micronutriments.

Ceci est très inquiétant car on sait ce que cela provoque sur l’organisme. On retrouve aux États- Unis, pays où les transformations alimentaires sont très importantes, des épidémies d’obésité et de maladies métaboliques comme le diabète. On connaît déjà bien les méfaits d’une telle alimentation.

L’industrie agro-alimentaire a simplement eu une volonté de produire. Mais à l’évidence elle ne s’est pas posé beaucoup de questions sur les conséquences à long terme de l’offre qu’elle proposait consommateurs. Et sans un cadrage clair des pouvoirs publics, il est arrivé ce qui devait arriver….

C’est finalement toute la chaîne alimentaire qui doit être réformée. On doit exiger que les aliments aient une densité nutritionnelle suffisante. Par exemple, un pain devrait être fabriqué avec de la farine type 80. Dans un grain de blé, les minéraux et autres vitamines se trouvent dans l’enveloppe du grain. En l’enlevant, on ne garde finalement qu’un quart des vitamines et des minéraux initialement présents. Ainsi, une farine blanche de type 55 contient 0,55 grammes de minéraux pour 100 grammes alors que la farine intégrale (type 180) en contient 1,80 grammes pour 100 grammes. Dans la farine blanche, on retrouve peu de magnésium, peu de fibres, peu de vitamines B… substances pourtant présentes dans le grain d’origine.

Des législateurs auraient dû et pu directement imposer que le pain soit fabriqué à partir de farine type 80. »

On pourra aussi citer les méfaits des édulcorants qui incitent à manger plus par un mécanisme d’actions sur notre cerveau qui a été identifié par des chercheurs de l’Université de Sydney (Australie). [L’étude : www.cell.com/cell-metabolism/fulltext/S1550-4131(16)30296-0, et le résumé de l’étude dans Sciences et Avenir : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/les-edulcorants-artificiels-incitent-ils-a-manger-plus_104442]

Quel système aurait pu être véritablement pertinent ?


Pour réellement informer le consommateur en toute transparence une note devrait caractériser « la naturalité » des produits alimentaires. Ou en d’autres mots le degré de transformation des ingrédients utilisés. Pour compléter cette information on pourrait imaginer une suggestion de fréquence et de quantité de consommation. En effet, dans le cas d’un biscuit « pur beurre bio » et peu transformé, il pourrait tout de même être précisé une quantité journalière en unité à ne pas dépasser.

La mise en place d’un tel système de notation est tout à fait illusoire, du fait qu’il mettrait un terme à toutes les pratiques subversives d’une grande partie des multinationales alimentaires. Étant conscients de cela, il ne s’agit pas de non plus de se faire leurrer par des artéfacts comme celui qu’est le logo nutritionnel Nutri-score.

Le conseil de la fin


Quelques-uns diront que pour la plupart des traitements industriels ou additifs, aucun lien avec la santé des consommateurs n’a pu être établi. Mais n’oublions pas qu’une grande partie des études qui lient santé et alimentation sont financées par les industriels eux-mêmes.

Le projet de mise en place d’un système d’évaluation proposé par Marisol Touraine a lui aussi été financé à hauteur de 75% par les géants de l’industrie agro-alimentaire (Article : Le Figaro, « Logo nutritionnel : les industriels à la fois juges et parties »).

Alors écoutons notre intuition, et évitons tant que possible les produits bourrés d’additifs et d’ingrédients transformés pour les besoins de la technologie. Et ne soyons pas dupes face aux articles qui suggèrent que les industriels sont réticents à la mise en place du Nutri-score, alors qu’il a été inventé par leur propre soin.

S’il est vrai que l’idée même de mieux informer les consommateurs n’ait pas plu aux puissances industrielles au départ, ils ont très bien su noyer le poisson dans l’eau avec le système Nutri-score.

© Blog Nutrition Santé – Jimmy Braun / C.D – Mars 2017