Comment le cerveau détecte les rythmes de la parole ?

Comment le cerveau détecte les rythmes de la parole ?

Des neuroscientifiques ont découvert comment le cerveau qui écoute un discours opère pour le décomposer en syllabes.

Les résultats fournissent pour la première fois une base neuronale aux atomes fondamentaux du langage et un aperçu de notre perception de la poésie rythmique de la parole.

Durant des décennies, les neuroscientifiques de la parole ont cherché en vain à démontrer que les neurones situés dans les régions du cerveau auditif utilisent les fluctuations du volume de la parole pour identifier le début et la fin des syllabes.

Cependant, une nouvelle étude publiée le 20 novembre 2019 dans la revue Science Advances, des scientifiques révèlent avoir découvert un processus bien précis.

En effet, les chercheurs ont montré qu’un signal (marqueur de stress vocal au milieu de chaque syllabe) dans une zone du cortex de la parole, appelée gyrus temporal moyen supérieur, est spécifiquement basé sur le volume croissant au début de chaque voyelle, caractéristique universelle des langages humains.

Les auteurs affirment notamment que ce simple marqueur syllabique pourrait également fournir au cerveau des informations directes sur les schémas de stress et du rythme, qui sont essentiels pour transmettre le sens et le contexte émotionnel dans de nombreuses langues.

Le cerveau extrait des unités syllabiques d’un discours


D’après les auteurs, ce travail montre un principe de codage neuronal simple pour le sens du rythme, qui est absolument fondamental pour la façon dont notre cerveau traite le discours.

« Cela pourrait notamment expliquer pourquoi les humains sont si sensibles à la séquence de syllabes accentuées et non accentuées qui constituent la poésie parlée, ou même la narration orale », indiquent les chercheurs.

« Maintenant nous comprenons comment un signal sonore simple, l’augmentation rapide de la sonie qui se produit au moment de l’apparition des voyelles, constitue un repère essentiel pour la parole car elle indique à l’auditeur quand une syllabe apparaît et si elle est accentuée. »

« C’est une découverte plutôt centrale sur la façon dont le cerveau extrait des unités syllabiques du discours ».

Un marqueur discret de syllabes individuelles

Un marqueur discret de syllabes individuelles


Pour réaliser cette étude, des volontaires épileptiques avaient temporairement des rangées d’électrodes placées à la surface du cerveau pendant une à deux semaines dans le cadre d’une préparation standard à une neurochirurgie.

Effectivement, ces enregistrements cérébraux permettent aux neurochirurgiens de déterminer comment éliminer le tissu cérébral responsable des crise d’épilepsie des patients sans endommager les régions cérébrales importantes à proximité.

De plus, ils permettent également aux scientifiques de poser des questions impossibles à traiter d’une autre manière.

Les électrodes de cartographie des crises se chevauchaient avec des zones du cerveau impliquées dans le traitement de la parole.

Ensuite, les chercheurs ont présenté à chaque participant une sélection d’enregistrements de discours de différents locuteurs tout en enregistrant les schémas de l’activité cérébrale.

En outre, ils ont analysé les données pour identifier des schémas neuronaux reflétant la structure syllabique de ce que chaque participant avait entendu.

Un stimulateur interne au sein même du signal de la parole


Les données ont rapidement révélé que l’activité du gyrus temporal moyen supérieur contenait un marqueur discret de syllabes individuelles.

Ceci contredit le modèle dominant sur le terrain qui avait suggéré que le cerveau installe un oscillateur continu, de type métronome, pour extraire les frontières syllabiques des fluctuations du volume de la parole.

Afin d’identifier les caractéristiques des enregistrements audio qui alimentaient les nouveaux repères de syllabes, les chercheurs ont demandé à quatre des volontaires d’écouter un discours enregistré qui était ralenti quatre fois.

Ces enregistrements ultra-lents de la parole ont permis aux chercheurs de constater que les signaux des syllabes se produisaient de manière cohérente au moment de la montée du stress au début de chaque voyelle, et non au sommet de chaque syllabe comme d’autres scientifiques l’avaient théorisée. Par exemple, lorsque « b » se transformait en « a » dans la syllabe « ba ».

Le marqueur syllabique

Le marqueur syllabique qu’ils ont découvert dans le gyrus temporal moyen supérieur variait également selon l’importance accordée par l’orateur à une syllabe particulière.

De la sorte, cela suggère que cette première étape du traitement de la parole permet simultanément au cerveau de scinder la parole en unités syllabiques et également de suivre les schémas de stress qui ont une importance cruciale pour la signification de nombreuses langues.

Par ailleurs, le signal syllabique fournit également un métronome simple permettant au cerveau de suivre le rythme et la vitesse de la parole.

Dans une multitude de langues, certaines personnes parlent vite tandis que d’autres parlent lentement.

Les émotions influencent la parole et les gens changent de vitesse quand ils sont excités ou tristes.

Ainsi, le cerveau doit être capable de s’adapter à cela. En marquant chaque fois qu’une nouvelle syllabe se produit, ce signal agit comme un stimulateur interne au sein même du signal de la parole.

Les chercheurs continuent d’étudier la façon dont ces signaux cérébraux sont interprétés pour permettre au cerveau de traiter la rythmicité et la signification de la parole.

D’ailleurs, ils espèrent également explorer la façon dont l’interprétation cérébrale de ces signaux varie dans différentes langues, qui mettent plus ou moins l’accent sur les schémas de stress de la parole.

Enfin, cette meilleure compréhension du cerveau et de la parole va permettre aux chercheurs de développer et d’améliorer dans le futur la prise en charge de certaines maladies neurologiques et troubles de la parole.

© Blog Nutrition Santé – Jimmy Braun – Novembre 2019

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Sources externes


Yulia Oganian and Edward F. Chang. A speech envelope landmark for syllable encoding in human superior temporal gyrus. Science Advances, 2019 ; https://advances.sciencemag.org/content/5/11/eaay6279

Photos © Miguel Henriques ; You X Ventures ; Evangeline Shaw ; Austin Distel ; Ben White