Pour plusieurs raisons, les personnes âgées font partie des gens les plus à même de contracter une infection virale sous sa forme grave. Dans les pays développés, au moins 10% des individus de plus de soixante ans sont atteints de sarcopénie, 40% pour ceux placés en institution.
C’est en prenant connaissance de ces informations que des chercheurs se sont intéressés au lien potentiel entre la fonte musculaire squelettique et la défense de l’organisme face au SARS-CoV-2.
Par ailleurs, les séniors ne forment pas la seule population sujette à la sarcopénie ; les personnes en état d’obésité, les personnes atteintes de maladies chroniques, de cancers ou encore les personnes malnutries sont aussi concernées. Il est alors intéressant de remarquer que ces catégories d’individus sont également des plus vulnérables face à l’infection par la Covid-19.
La sarcopénie est un syndrome associant une diminution progressive et généralisée de la masse, de la force et des fonctions musculo-squelettiques qui peut être à l’origine d’incapacités fonctionnelles, de diminution de la qualité de vie et d’une augmentation de la mortalité.
European Working Group on Sarcopenia in Older People – 2010

Le danger de la sarcopénie durant l’épidémie
Aucune information ne fait état d’un lien direct entre la sarcopénie et l’infection par le SARS-CoV-2. Néanmoins des études réalisées avant la pandémie actuelle ont su démontrer que des personnes sarcopéniques présentaient une réponse immunitaire affaiblie et un stress métabolique augmenté face à des infections virales, des actes chirurgicaux majeurs et d’autres traumatismes.
Concernant la Covid-19, la population sarcopénique aurait des taux d’infection accrus liés à de plus mauvais pronostics de survie. Des chercheurs supposent que cet accroissement réside principalement dans l’atteinte du système immunitaire. En effet, la mobilisation protéique et la sécrétion d’interleukines comme IL-15, IL-7 ou IL-6 seraient altérées, modifiant la prolifération et la fonction des cellules immunitaires innées et adaptatives ; le SARS-CoV-2 tirerait alors profit de cet état de faiblesse.
De plus, les individus atteints de sarcopénie verraient leurs fonctions respiratoires compromises, augmentant de ce fait les effets du syndrome de détresse respiratoire aiguë causés par l’infection.
Dans le sens inverse, il s’avère également qu’une infection due à la Covid-19 peut être un facteur de risque aggravant de la sarcopénie. Cela serait dû à la réduction de l’activité physique, au déséquilibre nutritionnel ainsi qu’à la sécrétion de cytokines pro-inflammatoires favorisant le catabolisme (la destruction) musculaire telles que l’IFN-gamma ou le TNF-alpha. Un cercle vicieux est donc installé et cela pourrait être une raison d’un risque augmenté de mortalité.
Le diagnostic de la sarcopénie pourrait alors être important durant l’épidémie.
Ainsi les patients ayant un âge avancé, une sédentarité excessive, une maladie chronique, un cancer ou des carences nutritionnelles pourraient recevoir des traitements préventifs adaptés en ce sens.
En outre et afin d’effectuer une surveillance dynamique, des moyens* relativement simples existent pour déterminer les risques d’une perte de force et de masse musculaire.
* La mesure de la circonférence du mollet : le genou faisant un angle de 90 degrés, le ruban mesurant est placé autour du mollet et mobilisé le long de celui-ci afin de mesurer la circonférence la plus importante. La mesure est à faire réaliser par un médecin, elle ne doit pas comprimer les tissus sous-cutanés. Lorsque la circonférence est inférieure à 31 cm elle indique un risque de sarcopénie.
Le dynamomètre à main : durant une consultation chez le médecin, ce dernier pourra se servir d’un dynamomètre à main afin d’évaluer la force de la poignée pour prévenir la sarcopénie. Une force de préhension inférieure à 27 kg pour les hommes et 16 kg pour les femmes indique un risque de sarcopénie.
SARC-F : un questionnaire composé de 5 questions qui devra être évalué par une personne habilitée. Un score supérieur à 4 est indicateur de sarcopénie.
Remédier à la sarcopénie
Pour remédier à la sarcopénie, les vecteurs les plus importants sont l’activité physique et l’alimentation. Il est nécessaire de visualiser ces deux axes de manière cohérente.
Il est avéré que l’exercice physique d’intensité modérée renforce la fonction immunitaire, ainsi les activités telles que l’aérobic et les mouvements de résistance améliorent l’anabolisme (la création) musculaire. Ce dernier est augmenté durant l’effort et permet de mobiliser les protéines dont les acides aminés à l’instar de la leucine ou de l’isoleucine sont capables de recomposer la structure des muscles.
C’est pourquoi un apport alimentaire protéique journalier d’environ 1g/kg-de poids corporel est nécessaire à la reconstruction des tissus musculaires (attention cependant aux différents profils des protéines selon leur source).
Une alimentation adaptée et une activité physique régulière permettent donc la préservation de la masse musculaire squelettique et préviennent la sarcopénie.
Afin d’être quelque peu plus précis, certains scientifiques ont évalué différentes activités physiques accessibles au plus grand nombre afin de prévenir au mieux le risque de déperdition musculaire et, par extension, de contamination à la Covid-19. Il en ressort un programme d’exercices à plusieurs composantes, comprenant des séances d’aérobic, de résistance, d’équilibre, de coordination ou encore de mobilité.
Chaque semaine ces chercheurs conseillent donc entre 200 et 400 minutes d’aérobic réparties sur 5 ou 7 jours et un minimum de 2 à 3 séances d’exercices de résistance (fentes, pompes etc.). Une intensité modérée de 40 à 60% ou 65 à 75% de la fréquence cardiaque maximale (rythme atteint par le cœur lors des plus fortes sollicitations) pourrait s’avérer optimale.

Pour les individus sarcopéniques sévèrement infectés par le SARS-CoV-2, la nutrition devient l’axe le plus important et doit s’adapter à la réaction inflammatoire ainsi qu’au stress métabolique.
Des chercheurs annoncent alors qu’un apport calorique par voie entérale de 25 à 30 kcal/kg/j composé d’un support protéique riche en leucine de 1,2 à 2,0 g/kg/j devrait être envisagé. Leurs chiffres se basent sur les évaluations de traitements donnés à des patients alités suite à un grave évènement.
D’après les observations réalisées au cours de cette pandémie mondiale, la population sarcopénique semble avoir un risque d’infection plus élevé et un pronostic vital plus mauvais que la population normale. De plus, le fait qu’un cercle vicieux d’interactions puisse s’installer rend la guérison plus incertaine encore.
Par conséquent les actions entreprises contre la sarcopénie, au-delà de préserver la santé générale, pourraient favoriser la prévention et le traitement contre la Covid-19.
© Mars 2021 – Thomas GAUDIN – Blog Nutrition Santé
Sources
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