L’insécurité alimentaire a souvent été associée aux pays pauvres et en développement mais existe également depuis longtemps au sein des nations les plus développées. Ce phénomène est devenu de plus en plus préoccupant depuis la crise financière mondiale de 2008 et n’a cessé de s’aggraver avec l’actuelle pandémie de la Covid-19.
Durant cette même période, l’isolement est lui aussi devenu de plus en plus important et la solitude concerne aujourd’hui 14% des Français contre 9% il y a plus de dix ans. Des études ont alors été menées afin de faire la lumière sur un possible lien entre l’insécurité alimentaire et le fait d’être seul.
« L’insécurité alimentaire existe lorsqu’un être humain n’a pas la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive lui permettant de satisfaire ses besoins et préférences alimentaires afin de mener une vie saine et active. »
Food and Agriculture Organisation (FAO) – 2012
Le repas, ce moment de convivialité
Manger est considéré pour beaucoup comme une activité sociale qui va au-delà du simple fait de se nourrir.
Selon certaines études, une alimentation réduite et insuffisante peut priver les individus de la possibilité de participer au partage des repas ou d’autres activités sociales s’y rapportant (apéritifs, anniversaires, etc.). Cela diminue alors la possibilité d’éprouver de la cohésion au sein d’un groupe, des liens sociaux ou encore un sentiment d’appartenance et donc d’identité. En conséquence, les personnes concernées sont victimes d’exclusion, d’éloignement et donc de solitude.

Des chercheurs ont réussi à démontrer que l’isolement chez les jeunes adultes et les enfants était favorisé par les restrictions alimentaires, et à l’inverse que la consommation d’aliments réconfortants ou que l’on a l’habitude de partager atténuait de manière significative la sensation de solitude. Il a alors été constaté que l’insécurité alimentaire était un phénomène à plusieurs dimensions englobant de fait la faim, la mauvaise qualité des aliments consommés mais aussi l’exclusion sociale.
Il est donc nécessaire de prendre en compte les facteurs sociaux, sanitaires et psychologiques ainsi que les raisons qui encouragent ou découragent les individus à participer à diverses activités visant à conserver leurs interactions sociales. En effet, ces éléments sont autant de raisons qui peuvent accroître le risque d’insécurité alimentaire et de mauvaise santé.
L’accès à la nourriture
Tout comme la restriction alimentaire peut favoriser l’exclusion par ses pairs, l’isolement social peut limiter l’accès à la nourriture.
C’est le cas notamment si la façon d’obtenir ses produits de consommation requiert l’aide ou l’intervention d’un tiers, d’un ami ou d’un membre de la famille et ce par un quelconque moyen, qu’il soit financier ou simplement moteur (par exemple une personne âgée qui ne peut se déplacer seule). Ainsi, le fait de ne pas pouvoir préparer et donc consommer certains repas peut réduire le plaisir auparavant associé à certaines denrées alimentaires et renforcer le sentiment de solitude.

Avec le temps, cette situation peut mener jusqu’à la dépression qui va entraîner de plus mauvaises habitudes nutritionnelles et donc encore favoriser la situation d’insécurité alimentaire. En outre, une étude réalisée par des chercheurs américains a démontré que le risque de subir une instabilité alimentaire pouvait être doublé chez des individus ayant déjà ressenti une importante solitude au cours de leur vie. Un cercle vicieux duquel il est difficile de sortir s’installe alors.
L’accès à la nourriture se fait également au travers de l’éducation et notamment des écoles, de la lutte contre le gaspillage alimentaire et d’une justice sociale équitable ; car tout élément capable d’empêcher une personne de se nourrir convenablement est un vecteur potentiel de solitude.
L’exemple parlant des personnes âgées
Parmi les populations les plus vulnérables se trouvent les personnes âgées (65 ans et plus) qui représentent près de 21% de la population française. Plus de 33% d’entre elles sont ou se sentent isolées et forment donc autant de gens qui peuvent se confronter à une situation d’insécurité alimentaire.
Pour les séniors non placés en maison de retraite, le risque pourrait s’expliquer par un réseau complexe de désavantages voire parfois de discriminations. Par exemple, un handicap moteur ou bien une simple difficulté à se déplacer normalement devient d’autant plus problématique lorsque, pour un magasin alimentaire quelconque, aucun accès adapté n’est mis en place. Vécu comme un rejet, l’accès à l’alimentation est alors fortement réduit et la sensation de solitude renforcée.
Les individus âgés vivant en EHPAD ne souffrent normalement pas d’un manque d’accès à la nourriture mais d’une alimentation souvent inadaptée et répétitive. C’est pourquoi, en plus d’être isolés, près de 30% des résidents sont dénutris.
Il existe donc bel et bien un lien entre l’isolement et l’insécurité alimentaire, les deux étant capables de s’entre influencer. Ainsi lorsque les politiques de santé souhaitent agir contre la précarité alimentaire, l’exclusion sociale pourrait et devrait être un axe sur lequel se concentrer, et inversement.
Associations luttant contre l’insécurité alimentaire ou l’isolement
ASSOCIATIONS | LUTTE PRINCIPALE |
Action contre la Faim | Insécurité alimentaire |
Banques Alimentaires | Insécurité alimentaire |
Care France | Isolement / insécurité alimentaire |
L’Armée du Salut | Isolement |
La Croix Rouge | Isolement / insécurité alimentaire |
Le Secours Catholique | Isolement |
Le Secours Populaire | Isolement / insécurité alimentaire |
Les Restos du Cœur | Insécurité alimentaire |
Société Saint Vincent de Paul | Isolement / insécurité alimentaire |
© Avril 2021 – Thomas GAUDIN – Blog Nutrition Santé
Sources
- Burris M. ; Kihlstrom L. ; Serrano Arce K. ; Prendergast K. ; Dobbins J. ; McGrath E. ; Renda A. ; Shannon E. ; Cordier T. ; Song Y. ; Himmelgreen D. ; Food Insecurity, Loneliness, and Social Support among Older Adults ; J of Hunger & Env Nutrition, 2021, V16-I1, DOI : 10.1080/193220248.2019.1595253
- Darul A. ; Dénutrition des personnes âgées en EHPAD ; Thèse pour le Diplôme d’Etat de Docteure en Pharmacie ; 2014.
- Giacoman, C. ; The dimensions and role of commensality: A theoretical model drawn fom the significance of communal eating among adults in Santiago Chile. Appetite , 2016, 107, 460–470, DOI : 10.1016/j.appet.2016.08.116
- Hunt B.R. ; Benjamins M.R. ; Khan S. ; Hirschtick J.L. ; Predictors of Food Insecurity in Selected Chicago Areas ; J. of Nutr. Educ. & Behav. ; 2019, V51, I3, 287-299, DOI : 10.1016/j.jneb.2018.08.005.
- Rotenberg K. ; Surman E. ; McGrath M. ; Loneliness, Food Poverty, and Perceived Benefits of Communal Food Consumption from a Charity Service ; J of Pov, 2021, DOI : 10.1080/10875549.2020.1869667
- Woolley K. ; Fishbach A. ; & Wang R. ; Food restriction and the experience of social isolation. Journal of Personality and Social Psychology, 119(3), 2019, 657–671. DOI : 10.1037/pspi0000223
- © Photo : Noah Silliman – Fauxels – Stefano Intintoli – via Unsplash et Pexels