Depuis l’intérêt porté en 2013 par l’Organisation des Nations Unies sur les perspectives alimentaires que peuvent représenter les insectes comestibles, l’utilisation de ces derniers a fortement augmenté en nutrition humaine (et animale).
Beaucoup de chercheurs et autres professionnels de l’agroalimentaire se sont mis à vouloir redécouvrir l’importance de cette nourriture souvent bien connue de certains peuples et nations. De nombreuses études ont donc été faites sur ces espèces vivantes qui avaient, jusqu’à peu, relativement réussi à s’échapper de la mondialisation.
Bien que les protéines, les graisses et la chitine (constituant glucidique de l’exosquelette) soient les principales structures organiques des insectes, leur organisme nécessite également une multitude de minéraux et de vitamines ayant pour rôle le soutien des fonctions métaboliques. Par conséquent et même s’ils n’apparaissent pas, ou peu, dans les tables de compositions nutritionnelles, ces hexapodes sont une source de macronutriments et micronutriments dont l’Homme pourrait bénéficier.
Le macronutriment phare : les protéines
Tous les insectes cités ci-dessous contiennent plus de protéines que le porc (21%), le bœuf (28-30%) et potentiellement plus que les œufs (44-49%). Cependant pour évaluer un bénéfice nutritionnel il est important de faire la nuance entre le pourcentage de protéines et la qualité de celles-ci. Cette dernière se justifie par la composition en acides aminés essentiels (AAE) et la digestibilité.

Composition protéique
Nom | Étape de la vie | Protéines (% de matière sèche) |
Grillon domestique | Adulte | 60-75 |
Criquet tropical | Adulte | 60-75 |
Criquet migrateur | Adulte | 40-60 |
Sauterelle américaine | Adulte | 40-60 |
Mouche domestique | Larve | 55-70 |
Mouche soldat noire | Larve – Pré-pupaison | 40-60 |
Ténébrion meunier | Larve | 45-55 |
Ténébrion géant | Larve | 40-50 |
Petit ténébrion | Larve | 45-60 |
Fausse teigne de la cire ou Gallérie | Larve | 35-45 |
Petite teigne des ruches | Larve | 35-45 |
Bombyx du mûrier | Larve – pupaison | 50-70 |
La proportion exacte varie selon les hexapodes mais selon certains chercheurs les AAE comme la méthionine et la cystéine semblent faiblement représentés chez les insectes, bien que les autres soient présents en quantité suffisante.
La digestibilité quant à elle semble équivalente à celle des autres protéines animales (bœuf, poulet, etc.) et oscille entre 77 et 98%. Elle dépend malgré tout du mode de cuisson car le fait, par exemple, de bouillir les insectes peut diminuer l’assimilation protéique par notre système digestif de 5 à 10%.
Néanmoins, du fait de la diversité entomique et de certaines méthodes de mesure utilisées, des recherches supplémentaires seraient tout de même nécessaires afin de confirmer et préciser ces données.
Les lipides, non en reste
La qualité nutritionnelle des graisses est relativement complexe, elle est déterminée par la composition et la quantité en différents acides gras. Chez les insectes, cette qualité peut considérablement varier en fonction des espèces et de leurs sources alimentaires.
Composition lipidique
Nom | Étape de la vie | Lipides (% de matière sèche) |
Grillon domestique | Adulte | 7-20 |
Criquet tropical | Adulte | 7-20 |
Criquet migrateur | Adulte | 10-25 |
Sauterelle américaine | Adulte | 10-25 |
Mouche domestique | Larve | 10-25 |
Mouche soldat noire | Larve – Pré-pupaison | 20-40 |
Ténébrion meunier | Larve | 25-35 |
Ténébrion géant | Larve | 40-45 |
Petit ténébrion | Larve | 25-30 |
Fausse teigne de la cire ou Gallérie | Larve | 40-60 |
Petite teigne des ruches | Larve | 40-60 |
Bombyx du mûrier | Larve – pupaison | 8-10 |
En moyenne les hexapodes les plus consommés contiennent 36% d’acides gras saturés, 42% d’acides gras mono-insaturés et 22% d’acides gras poly-insaturés.
Parmi ces derniers, 11% environ sont des omega-3 (soit 2,5% du total des lipides) comme l’acide alpha linolénique qui est indispensable.
En revanche les autres acides gras essentiels, à savoir l’acide éicosapentaénoïque et l’acide docosahexaénoïque ne sont que très peu ou pas représentés.
Il est idéal d’avoir dans l’alimentation un ratio omega-6/omega-3 ne dépassant pas 4/1 afin de prévenir les risques liés à l’inflammation. Le rapport moyen en France est de 14/1.
Un plein de vitamines et de minéraux
Les insectes sont le plus souvent consommés entier, avec tous leurs tissus et organes, ce qui contribue à un apport possiblement élevé en divers minéraux et vitamines.
Comme pour les macronutriments, le contenu ainsi que la biodisponibilité des micronutriments varient fortement entre les espèces, leurs sources alimentaires et les stades de métamorphose.
Composition minérale (mg/100g)
Nom | Étape de vie | Ca | K | Mg | Fe | Zn |
Charançon africain | Larve | 208,0 | 2209,0 | 33,6 | 14,7 | 26,5 |
Ténébrion meunier | Adulte | 63,6 | 936,6 | 166,9 | 6,0 | 12,7 |
Bombyx du mûrier | Larve | 102,3 | 1826,6 | 287,9 | 9,5 | 17,8 |
Grillon domestique | Adulte | 132,1 | 1126,6 | 109,4 | 6,3 | 21,8 |
Sauterelle peinte | Larve | 552,0 | 2030,0 | 96,0 | 910,0 | 29,0 |
Ca : Calcium - K : Potassium - Mg : Magnésium - Fe : Fer - Zn : Zinc
Composition vitaminique
nom | Étape de vie | Rétinol ou Vitamine A (mg/100g) | Vitamine E (UI/kg) | Vitamine C (mg/100) | Vitamine B9 (mg/100g) |
Ténébrion meunier | Adulte | 24,3 | 30,0 | 45,7 | x |
Bombyx du mûrier | Larve | 274,0 | 51,5 | 5,7 | 0,4 |
Fausse teigne de la cire | Larve | 4,5 | 32,5 | x | 0,1 |
Grillon domestique | Adulte | 24,33 | 72,5 | 9,7 | 0,5 |
Grillon vert de brousse | Adulte | 210,0 | 30,0 | 0,1 | 0,9 |
Les hexapodes représentent donc une source importante de vitamines et minéraux mais des recherches supplémentaires concernant leur biodisponibilité (proportion à atteindre la circulation sanguine) sont nécessaires, cette dernière n’étant pas encore suffisamment connue.
Toutefois la riche composition minérale et vitaminique de ces « petites » bêtes a permis à certaines populations d’Asie et d’Afrique Subsaharienne d’éviter des carences nutritionnelles importantes. Par exemple, au Kenya les habitants peuvent combler leur manque en vitamine A grâce aux insectes ; même chose au Zimbabwe pour le fer ou le zinc.
Les insectes comestibles représentent indubitablement une source de nourriture importante pour l’Homme, certains peuples ou nations en consomment depuis l’aube de leur existence.
Bémol, ce mode alimentaire fait aussi l’objet d’un manque de données à propos de plusieurs aspects nutritionnels, comme la biodisponibilité des nutriments ou le risque biochimique. Néanmoins, du fait d’un intérêt toujours grandissant, les questions que se pose encore le monde scientifique devraient trouver réponse rapidement.
© Avril 2021 – Thomas GAUDIN – Blog Nutrition Santé
Sources
- Halloran A ; Flore R ; Vantomme P ; Roos N ; Edible Insects in sustainable food ; Springer International Publishing AG, part of Springer Nature,2018, DOI : 10.1007/978-3319-74011-9
- Köhler R ; Kariuki L ; Lambert C ; Biesalski H.K ; Protein, Amino-Acid and mineral composition of some edible insects from Thailand ; Journal of Asia_Pacific Entomology, V22, I1, 2019, 372-378.
- Manditsera F.A. ; Luning P.A. ; Fogliano V. ; Lakemond C.M.M. ; The Contribution of wild harvested edible insects (Eulepida mashona and Henicus whellani) to nutrition security in Zimbabwe ; Journal of food composition and analysis, V75, 2019, 17-25.
- Ramos‐Elorduy J, Moreno J & Prado E ; Nutritional value of edible insects from the state of Oaxaca, Mexico. Journal of Food Composition and Analysis, 1997, 10: 142–57.
- Rumpold, B.A., & Schlüter, O.K. ; Nutritional composition and safety aspects of edible insects. Molecular Nutrition & Food Research, 2013, 57(5), 802–823, DOI : 10.1002/mnfr.201200735
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