Selon l’OMS, « un quart des adultes déclare avoir subi des violences physiques dans leur enfance ».
La maltraitance entraîne des souffrances pour les enfants et leurs familles et peut avoir des conséquences à long terme notamment sur la perception sensorielle, comme le révèle une étude publiée le 16 août 2019 dans l’American Journal of Psychiatry.
D’après les auteurs, les adultes qui ont été maltraités dans leur enfance perçoivent les stimuli tactiles moins réconfortants que les personnes n’ayant pas subies de traumatisme.
De plus, les chercheurs ont découvert des changements dans l’activation de certaines zones du cerveau.

La maltraitance est un facteur de risque majeur de psychopathologie
Ceux qui ont été humiliés, battus ou abusés sexuellement dans leur enfance risquent davantage de souffrir de maladies mentales.
Ce n’est pas nouveau, de nombreuses études en parlent déjà. Les personnes maltraitées dans leur enfance sont plus susceptibles de souffrir de dépression ou de crises d’anxiété à l’âge adulte que les personnes qui ont été épargnées de telles expériences à un jeune âge.

Quelles sont les raisons de cette plus grande vulnérabilité ?
Des scientifiques ont tenté de savoir pourquoi les expériences de violence en tant qu’enfant peuvent conduire à une perception des stimuli sociaux modifiée de manière permanente.
Ils ont interrogé 120 personnes adultes sur leurs expériences en matière de violence et de maladies associées.
La condition préalable de leur participation était que les participants ne souffrent ni de maladies neurologiques ni ne prennent de médicaments pour exclure ces influences.
Les scientifiques ont testé la perception sensorielle en caressant d’une main la peau nue des tibias, avec un mouvement rapide ou lent.
Rappelons que le toucher est d’une importance capitale. Il influence le développement du cerveau, procure une sensation pour son propre corps, et sert de régulateur de stress.

Le contact dans les relations interpersonnelles passe par deux fibres nerveuses différentes dans la peau.
Certaines fibres transmettent les informations sensorielles et répondent principalement aux touchers rapides, tandis que d’autres transmettent le bien-être émotionnel et sont activées principalement par des touchers lents.
Lors des tests, les sujets étaient dans un scanner cérébral et ne pouvaient pas voir l’expérimentateur qui effectuait les mouvements sur leur peau.
Par ailleurs, les mains des expérimentateurs étaient protégées par des gants de coton pour éviter le contact direct avec la peau.

Ensuite, le système d’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) a enregistré l’activité des zones du cerveau.
Après chaque mesure, les auteurs ont demandé aux participants si les touchers étaient réconfortants.
Les résultats montrent que, plus les expériences de maltraitance subies pendant l’enfance sont prononcées, plus les deux régions cérébrales — le cortex somato-sensoriel et le cortex insulaire postérieur — réagissent fortement au toucher rapide.

Les expériences de maltraitance et leurs effets sur le cerveau
Le cortex somato-sensoriel (somesthésique), situé dans le cerveau approximativement au-dessus de l’oreille, enregistre les endroits où un contact se produit.
Cette zone code les sensations haptiques (qui concernent l’information sensorielle perçue par les récepteurs tactiles et kinesthésiques) et participe à la préparation et à l’initiation du mouvement du corps.
Le cortex insulaire postérieur (ou insula) est une zone située profondément dans le cerveau et qui est responsable de toutes les perceptions corporelles telles que le toucher, la faim, la soif et la douleur.
Chez les personnes traumatisées, l’activité dans ces deux zones en réponse aux touchers rapides est considérablement accrue.

Les auteurs remarquent que, l’hippocampe, quant à lui, était beaucoup plus faiblement activé au toucher lent lorsque des expériences traumatiques avaient été vécues dans l’enfance.
L’hippocampe sert à la formation de la mémoire et stocke ainsi également des associations négatives et positives de stimuli. En particulier, « son activité pourrait refléter à quel point un toucher était enrichissant dans l’expérience », explique les auteurs.
Ils ajoutent que « les participants plus traumatisés pourraient trouver un contact lent et donc plus émotionnellement chargé moins agréable ».
En outre, ils ont étudié la distance sociale (proxémie). Pour ce faire, les participants ont été priés de marcher jusqu’à une personne qu’ils ne connaissaient pas et de s’arrêter quand la distance était à peine perçue comme agréable.
Cette distance était significativement plus importante chez les personnes les plus traumatisées (12 centimètres en moyenne d’après l’étude).

Modification de la perception et du traitement sensoriel
Les résultats montrent que la perception et le traitement sensoriel des personnes ayant vécu une enfance traumatique ont changé.
Le toucher est moins réconfortant chez les personnes maltraitées que pour les personnes sans expérience de maltraitance.
De plus, « ce ne sont pas les maladies concomitantes telles que la dépression ou les crises d’anxiété qui en sont responsables, mais bien le traumatisme lui-même », ajoutent les chercheurs.
Enfin, ils concluent en disant que « ce résultat pourrait également ouvrir la voie à de nouvelles thérapies complémentaires ». Ces thérapies seraient basées sur le corps dans un environnement sûr et pourraient permettre de recycler ce traitement par stimulus.
© Blog Nutrition Santé – Jimmy Braun – Août 2019

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Sources externes
Ayline Maier, Caroline Gieling, Luca Heinen-Ludwig, Vlad Stefan, Johannes Schultz, Onur Güntürkün, Benjamin Becker, René Hurlemann, Dirk Scheele. Association of Childhood Maltreatment With Interpersonal Distance and Social Touch Preferences in Adulthood. American Journal of Psychiatry, Août 2019 ; DOI: 10.1176/appi.ajp.2019.19020212
La maltraitance des enfants. OMS. 30 septembre 2016. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/child-maltreatment
Docteur Maurice GREEN, psychiatre, NYC, USA. Conséquences à long terme des traumatismes de l’enfance précoce. http://psydoc-fr.broca.inserm.fr/bibliothq/sallelec/textselect/Green.html
Le 119 est le numéro national dédié à la prévention et à la protection des enfants en danger ou en risque de l’être. https://www.allo119.gouv.fr/
Agir contre la Prostitution des Enfants : Association ACPE. https://www.acpe-asso.org/
Maltraitance des enfants : le numéro d’urgence 119 a traité près de 33 000 appels en 2016. https://www.francetvinfo.fr/societe/maltraitance-des-enfants-le-numero-d-urgence-119-a-traite-pres-de-33-000-appels_2477290.html
Numéro d’appel d’urgence dans le monde. https://fr.wikipedia.org/wiki/Num%C3%A9ro_d%27appel_d%27urgence
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