Vous est-il déjà arrivé d’avoir une sensation de déjà-vu et un sentiment de prédiction ? Ces phénomènes sont vécus par un grand nombre d’entre nous : flashback, impression de connaître une personne, d’avoir déjà été dans une rue ou rencontré une situation,..
Des chercheurs en psychologie ont recréé l’impression de déjà-vu chez les sujets humains afin d’examiner le sentiment de prémonition dans l’état de déjà-vu. La plupart des gens peuvent se rapporter à l’expérience épineuse et troublante du déjà-vu. Vous vous trouvez dans une nouvelle situation, mais vous vous sentez comme si vous aviez déjà été là avant.
Pour certaines personnes, ce sentiment étrange a une tournure supplémentaire. A l’instant où ils vivent cette expérience, ils ont l’impression de savoir ce qui va se passer ensuite. Par exemple, imaginez que vous montez une cage d’escalier pour la première fois, mais cela vous semble très familier, comme dans un état de rêve – si bien que vous pensez immédiatement, « En haut des escaliers, il y aura un tableau de Cézanne sur la gauche.«
Dans l’objectif d’éclairer la vérité sur ce phénomène, Anne Cleary, une psychologue spécialisée en sciences cognitives à la Colorado State University (États-Unis) a passé les dernières années à établir le déjà-vu comme un phénomène de la mémoire — une sorte de situation du cerveau qui est semblable à ce qui se passe quand on a un mot sur le bout de la langue, mais qu’on ne peut pas le trouver. S’appuyant sur des expériences précédentes, cette chercheuse a maintenant montré que le sentiment prémonitoire qui accompagne parfois le déjà-vu n’est tout simplement qu’un sentiment et rien d’autre.
Le sentiment prémonitoire du déjà-vu n’est qu’un sentiment
Anne Cleary a publié un nouvel article, le 1er mars 2018 dans la revue Psychological Science, qui détaille comment elle a recréé la sensation de déjà-vu chez des sujets humains afin d’examiner le sentiment de prémonition dans l’état de déjà-vu.
Selon les résultats de cette étude, les participants n’étaient pas plus susceptibles de pouvoir dire l’avenir que s’ils devinaient aveuglément. Mais pendant le déjà-vu, ils se sentaient comme s’ils pouvaient deviner ce qui semble refléter la vie réelle.
Anne Cleary est l’une des rares chercheuses actuelles de la sensation de déjà-vu dans le monde. Depuis qu’elle a lu le livre d’Alan S. Brown, « The Deja Vu Experience (Essays in Cognitive Psychology)« , elle a été fascinée par ce phénomène et voulait démasquer expérimentalement pourquoi il se produisait.
La sensation de déjà-vu a une réputation surnaturelle. Est-ce le rappel d’une vie passée peut-on parfois se demander. Cependant, les scientifiques ont tendance à attaquer les questions à travers une lunette plus logique et cartésienne.
Anne Cleary et d’autres ont montré que le déjà-vu est probablement un phénomène lié à la mémoire. Cela peut se produire lorsque quelqu’un rencontre un scénario similaire à la mémoire réelle, mais ne parvient pas à s’en souvenir et faire appel à la mémoire. Par exemple, Anne Cleary et ses collaborateurs ont montré que le déjà-vu peut être provoqué par une scène spatialement similaire à une scène précédente.
Concrètement, nous ne pouvons pas nous souvenir consciemment de la scène précédente, mais notre cerveau reconnaît la similitude. Cette information vient à travers le sentiment troublant que nous avons déjà été là avant, mais nous ne pouvons pas déterminer quand ni pourquoi.
Le déjà-vu est une manifestation particulière de la familiarité
Anne Cleary a également étudié le phénomène connu sous le nom de « mot sur le bout de la langue« , qui est cette sensation quand un mot est juste hors de portée du rappel. Le « mot sur le bout de la langue » et le déjà-vu sont des exemples de ce que les chercheurs appellent des phénomènes « métamémoriaux ». Ils reflètent un degré de conscience subjective de nos propres souvenirs. Un autre exemple est le processus de mémoire connu sous le nom de familiarité, comme lorsque vous voyez un visage familier hors contexte et que vous ne pouvez pas le replacer.
Le concept de métamémoire s’insère dans le champ théorique plus large de la métacognition. De manière générale, celle-ci fait référence à la « cognition sur la cognition » : elle renvoie aux connaissances sur les processus cognitifs et à toute activité cognitive en termes de contrôle et de régulation qu’un individu peut exercer sur son propre fonctionnement cognitif.
« Mon hypothèse de travail est que le déjà-vu est une manifestation particulière de la familiarité », explique Anne Cleary. « Vous avez une certaine familiarité dans une situation où vous pensez que vous ne devriez pas l’avoir, et c’est pourquoi c’est si discordant, si frappant. » ajoute-t-elle.
Depuis qu’elle a commencé à publier ses résultats sur le déjà-vu en tant que phénomène de la mémoire il y a plus de 10 ans, des gens du monde entier ont commencé à réagir. Ces réactions motivent d’autant plus la volonté d’approfondir ses recherches.
Anne Cleary explique qu’elle a lu une étude datant des années 1950 par le neurologue Wilder Penfield — le pionnier de la neurochirurgie épileptique — dans laquelle il a stimulé des parties du cerveau des patients et les a fait parler de ce qu’ils vivaient. Dans au moins un cas, quand un patient a rapporté avoir ressenti un sentiment de déjà-vu lors de la stimulation, Penfield a documenté des sentiments concomitants de prémonition.
L’hypothèse Anne Cleary est que, si le déjà-vu est un phénomène de mémoire, le sentiment de prédiction est-il aussi un phénomène de mémoire ? Elle a été davantage motivé par un récent changement dans la recherche sur la mémoire, affirmant que la mémoire humaine est adaptée pour être capable de prédire l’avenir, à des fins de survie, plutôt que de simplement se souvenir du passé.

Enfin, dans le cadre d’une étude déjà publiée, Anne Cleary et son groupe de recherche ont créé des scénarios de réalité virtuelle à l’aide du jeu vidéo virtuel « Les Sims ». Ils ont produit des scènes — comme une décharge, ou un jardin de haies — qui, plus tard ont été cartographiées spatialement à des scènes précédemment observées, mais thématiquement non liées.
Immergés dans une scène de test de réalité virtuelle, les participants ont été invités à signaler s’ils éprouvaient une sensation de déjà-vu. Les sujets étaient plus susceptibles de rapporter du déjà-vu parmi les scènes spatialement cartographiées sur des scènes précédentes. Ces études fondamentales reflétaient l’expérience réelle de « se sentir comme si vous étiez là avant », mais d’être incapable de se rappeler pourquoi.
Les résultats suggèrent que des sentiments de prémonition au cours du déjà-vu se produisent et peuvent être illusoires. Le biais métacognitif provoqué par l’état lui-même peut expliquer l’association particulière entre le déjà-vu et le sentiment de prémonition.
© Blog Nutrition Santé – Jimmy Braun – Mars 2018
Sources externes
- « Déjà Vu: An Illusion of Prediction« , Psychological Science, http://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0956797617743018
- « Le pressentiment« , https://www.inrees.com/articles/pressentiment-futur-present/