Les odeurs font partie de notre vie. Notre mémoire dépend de signaux cérébraux subtils et on peut s’en rendre compte à chaque fois qu’une odeur nous remémore des instants positifs ou négatifs.
Que ce soit le parfum de la tarte au citron meringué de notre grand-mère, du bol de chocolat chaud de notre enfance, ou de l’odeur du barbecue estival entre amis, les odeurs peuvent nous ramener d’agréables souvenirs. A l’opposé, l’odeur d’un antiseptique peut nous replonger dans une chambre d’hôpital et peut provoquer un frisson négatif et un sentiment de tristesse. Le test est simple, si je vous dis certains mots comme : « citron », « vin chaud », « pain d’épices », « café », « cigarette », « nattō », « munster », « gaz », « éther », « caoutchouc brûlé », « croissant chaud », « cannelle » ou « lavande », certains d’entre vous réussiront à reproduire des images mentales et des émotions liées à ces odeurs.
Les odeurs sont liées à notre mémoire de façon très puissante. Elles peuvent activer des souvenirs et déclencher des émotions à la fois agréables et aversives. Comprendre comment le cerveau crée ou efface activement les souvenirs est un moyen d’ouvrir une nouvelle voie dans la compréhension de la perte de mémoire et du vieillissement — et ouvrir la possibilité à de nouveaux traitements pour les maladies neurodégénératives.
Le mécanisme biochimique complexe de mémorisation et d’effacement des souvenirs associés aux odeurs
Les scientifiques du Scripps Research Institute (TSRI, Floride, États-Unis) ont publié dans la revue Cells Reports, le 21 novembre 2017, les résultats d’une étude qui explique comment le mécanisme biochimique complexe de mémorisation des souvenirs associés aux odeurs diffère légèrement d’un mécanisme moins bien compris pour effacer les souvenirs inutiles. Comprendre comment notre cerveau efface activement les souvenirs peut ouvrir une nouvelle compréhension de la perte de mémoire et du vieillissement, et offrir de nouveaux traitements pour les patients atteints de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer.
De multiples façons, les processus d’oubli et de mémorisation se ressemblent. Même dans les modèles de mouches des fruits lors de l’apprentissage associé à l’odeur, à la fois la sauvegarde et l’effacement des souvenirs implique l’activation de la dopamine des cellules du cerveau. Cet indice chez les mouches est important pour comprendre le cerveau humain. Les systèmes olfactifs des mouches et des humains sont en réalité assez similaires en termes de types de neurones et de leurs connexions.
En outre, dans les deux cas, l’activation des neurones les amène à fabriquer une molécule messagère identique, l’AMP cyclique (produit de l’adénylate cyclase), qui est notamment intermédiaire dans l’action des hormones ou des neurotransmetteurs, et conduisant à une cascade d’activité dans la cellule, soit en construisant ou en décomposant le stockage de la mémoire.
Alors, comment les cellules savent-elles quand elles reçoivent un signal d’oubli par rapport à un signal d’acquisition ? Les chercheurs ont découvert qu’un type de protéines de signalisation dans les neurones jouaient un rôle. Ils ont criblé un panel de ces protéines de signalisation, appelées protéines G (une protéine qui permet le transfert d’informations à l’intérieur de la cellule), contre des cellules exprimant deux récepteurs clés connus pour être impliqués dans la mémoire et l’oubli.
L’équipe de l’IRST a trouvé une protéine G, appelée « G alpha S », qui s’est accrochée à un récepteur dopaminergique neuronal appelé dDA1, associé à la formation de la mémoire. Ils ont trouvé une protéine G différente, appelée « G alpha Q », liée à un récepteur de dopamine qui est voisin, appelé « Damb« , et associé au mécanisme de l’oubli.
La question suivante était de savoir si ces deux protéines G différentes pouvaient être des contrôleurs du processus de la mémoire du cerveau des mouches. Pour le savoir, les chercheurs ont fait taire l’expression des gènes impliqués dans la production de la protéine G alpha Q dans les mouches. Les mouches avec la protéine réduite au silence ont été exposées à des odeurs dans des situations aversives et envoyées à travers des labyrinthes pour voir à quel point elles se souvenaient de se détourner en présence de l’odeur. « En supprimant G alpha Q, les mouches ne devraient pas oublier, et en effet, elles ne l’ont pas fait. Au contraire, elles s’en souvenaient mieux.« , a déclaré l’un des chercheurs. Il apparaît dans les mouches qu’un certain niveau d’oubli est un processus constant et sain.
Enfin, l’idée à retenir est que, constamment à mesure que nous apprenons de nouvelles informations, il y a un processus lent qui efface les souvenirs, et il continue à les écorcher à moins qu’une autre partie du cerveau signale que la mémoire est importante et l’emporte. Il se peut que le processus d’acquisition et d’oubli des souvenirs passe et coule dans un état d’équilibre. Par exemple, des souvenirs importants comme les goûts et les odeurs de la tarte aux abricots de votre maman, ou de l’encens dans un magnifique temple bouddhiste pourraient être conservés pour toujours, mais les trivialités comme les odeurs des produits antiseptiques lors de votre hospitalisation pour un accident pendant votre enfance peuvent disparaître dans l’oubli sans conséquence.
Si nous avons trop de mémoire ancienne et inutile, pourquoi les garder ? Pourquoi ne devrait-on pas avoir un système pour enlever la mémoire inutile pour la fonction optimale du cerveau ? Nous recevons de nombreuses informations, et tout un apprentissage pendant la journée, et par moments le cerveau peut dire « non ! Ramenez-moi à mon état de base, à mon état heureux !« . De nombreuses questions restent à résoudre, et les chercheurs doivent déterminer ce qui se trouve en aval, et emprunter la voie pour trouver le système complet de signalisation pour l’oubli afin de traiter le plus grand nombre de cas de maladies neurodégénératives.
© Blog Nutrition Santé – Jimmy Braun – Novembre 2017
Sources externes
- « Dopamine Receptor DAMB Signals via Gq to Mediate Forgetting in Drosophila« , Volume 21, Issue 8, p2074–2081, 21 Novembre 2017 , DOI: http://dx.doi.org/10.1016/j.celrep.2017.10.108, http://www.cell.com/cell-reports/abstract/S2211-1247(17)31588-7