Le pardon revête en son sens de multiples significations.
Le « Pardon ! » de la bousculade de métro, le « Pardon ! » pour signifier que ce serait bien de bouger de notre chemin, le « Pardon ! » que l’on rumine intérieurement lors d’une prière ou d’un vœu, etc.
Pardonner et même se pardonner à soi-même n’est pas une chose facile pour certaines personnes.
Cependant, nous serions tous prédisposés à pardonner.
Une recherche publiée le 17 septembre 2018 dans la revue Nature Human Behaviour montre que, lors de l’évaluation du caractère moral des autres, les gens s’accrochent à de bonnes impressions mais ajustent facilement leurs opinions sur ceux qui se sont mal comportés.

Les croyances sur les méchants sont volatiles
Les gens forment des impressions morales rapidement, sans effort et à partir d’un âge remarquablement jeune.
En règle générale, les mauvais comportements ou les « mauvaises personnes » attirent plus l’attention et sont identifiées plus rapidement et avec plus de précision que les comportements bénins ou les amis.
Une telle vigilance est adaptative, mais peut aussi être coûteuse dans des environnements où les gens font parfois des erreurs, car attribuer incorrectement le mauvais caractère à de bonnes personnes nuit aux relations existantes et décourage la création de nouvelles relations.
La capacité à déduire avec précision le caractère moral des autres est essentielle pour un fonctionnement social sain, mais les processus qui prennent en charge cette capacité ne sont pas bien compris.
De ce fait, nous sommes prédisposés à pardonner pour protéger notre lien social.

Nous avons une prédisposition fondamentale à donner le bénéfice du doute aux autres et même aux étrangers
Les chercheurs montrent que l’inférence morale s’explique par un mécanisme dans lequel les croyances sur la moralité des « mauvaises personnes » sont plus incertaines et donc plus volatiles que les croyances sur la moralité des bonnes « personnes ».
Cette asymétrie semble être une propriété de l’apprentissage face à de « mauvaises personnes » en général, car nous trouvons également une plus grande incertitude quant aux croyances relatives aux traits non moraux des « mauvaises personnes ».
Les auteurs révèlent que nous sommes dotés d’un mécanisme cognitif qui permet une mise à jour flexible des croyances sur les menaces potentielles. Ce mécanisme pourrait faciliter le pardon lorsque les mauvaises impressions initiales se révèlent inexactes.
Les résultats suggèrent que les impressions morales négatives déstabilisent les croyances sur les autres, favorisant ainsi la flexibilité cognitive au service d’un comportement coopératif mais prudent.

Cette souplesse dans le jugement des transgresseurs pourrait aider à expliquer à la fois comment les humains pardonnent et pourquoi ils restent parfois dans de mauvaises relations.
En effet, le cerveau forme les impressions sociales de manière à permettre le pardon.
« Parce que les gens se comportent parfois mal par accident, nous devons être en mesure de mettre à jour les mauvaises impressions qui se révèlent fausses. Sinon, nous pourrions mettre fin aux relations prématurément et laisser passer les nombreux avantages du lien social », expliquent les chercheurs.

D’où proviennent les résultats ?
Pour obtenir ces résultats, plus de 1 500 sujets ont été observé. Les participants devaient choisir entre deux étrangers confrontés à un dilemme moral.
Dans le test, il fallait notamment choisir entre deux personnes dont l’une infligeait à une autre personne des décharges électriques douloureuses en échange d’argent. Alors que le « bon » étranger a généralement refusé de choquer une autre personne pour de l’argent, le « mauvais » étranger a eu tendance à maximiser ses profits malgré les conséquences douloureuses.
Ensuite, les chercheurs ont demandé aux sujets observateurs leurs impressions sur le caractère moral des étrangers et leur confiance à l’égard de ces impressions.
Les sujets ont rapidement formé des impressions stables et positives du « bon » inconnu et étaient très confiants en leurs impressions.
Cependant, les sujets étaient beaucoup moins convaincus que le « mauvais étranger » était vraiment mauvais et pouvait changer rapidement d’avis.
Par exemple, lorsque le « mauvais étranger » faisait parfois un choix généreux, les impressions des sujets s’amélioraient immédiatement, jusqu’à ce qu’ils soient témoins de la prochaine transgression de cet étranger.
Ce schéma de mise à jour des impressions peut donner une idée de la raison pour laquelle les gens conservent parfois de mauvaises relations.

Enfin, les chercheurs pensent que ces résultats révèlent une prédisposition fondamentale à donner le bénéfice du doute aux autres, même aux étrangers.
L’esprit humain est construit pour maintenir les relations sociales, même lorsque les partenaires se comportent parfois mal.
Cette recherche pourrait éventuellement aider à faire la lumière sur des troubles psychiatriques impliquant des difficultés sociales, tels que le trouble de la personnalité limite (TPL), qui est une maladie mentale caractérisée par une instabilité émotionnelle.
La capacité de former avec précision des impressions sur le caractère des autres est cruciale pour le développement et le maintien de relations saines.
Les auteurs indiquent que grâce à cette recherche et les nouveaux outils pour mesurer la formation d’empreinte, les scientifiques pourraient mieux comprendre le dysfonctionnement relationnel et aider de nombreuses personnes.
© Blog Nutrition Santé – Jimmy Braun – Février 2019
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Sources externes
« Beliefs about bad people are volatile. », Nature Human Behaviour, 2018 ; https://www.nature.com/articles/s41562-018-0425-1 ; DOI: 10.1038/s41562-018-0425-1
« L’oubli (3/4)? Pardonner, est-ce oublier ? », https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/loubli-34-pardonner-est-ce-oublier
« Trouble de la personnalité limite (TPL) : causes, symptômes et traitements« , http://www.douglas.qc.ca/info/trouble-personnalite-limite
« Le trouble de la personnalité limite (borderline)« , https://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?doc=borderline_trouble_personnalite_limite_p
Photos © Felix Koutchinski ; Eduardo Dutra ; Hudson Hintze ; DESIGNECOLOGIST ; rawpixel