La glaçure des services à thé en céramique affecte les bienfaits du thé pour la santé

Les glaçures sur les services à thé réduisent de façon considérable la quantité de catéchines, modifiant ainsi la saveur, l’arôme et les bienfaits du thé pour la santé. En effet, une étude japonaise publiée en juin 2023 dans la revue Scientific Reports [1], examine les effets de différentes glaçures céramiques et constate une fonction spécifique des émaux sur la dégradation des catéchines du thé.

Qu’est-ce que la glaçure céramique ?

La glaçure céramique est une véritable alchimie artistique qui transcende l’argile brute en une œuvre éclatante et durable. Cette technique millénaire, véritable joyau de la poterie, serait apparue pendant l’Antiquité (vers 3300-3200 av. J.-C.), où les artisans des civilisations anciennes, notamment en Chine, en Égypte et au Moyen-Orient, ont découvert que l’application d’émaux minéraux transformait leurs créations en pièces uniques.

Ensuite, au fil des siècles, cette pratique s’est répandue à travers le monde, évoluant au gré des cultures et des techniques locales. Alliance magique du feu et de la terre, la glaçure est une « mixture » complexe de silicates, d’oxydes métalliques et d’autres ingrédients parfois secrets. Après avoir modelé l’argile avec habileté, l’artisan applique la glaçure sur ses créations.

Puis, au cours de la cuisson de sa poterie, le four devient le complice de cette métamorphose. Les minéraux fondent et réagissent avec l’argile, créant des effets uniques. Les émaux transparents laissent transparaître la couleur naturelle de l’argile, tandis que les émaux opaques offrent une palette infinie de teintes. C’est alors que la pièce prend vie, révélant des nuances éblouissantes et des textures subtiles, donnant à certaines créations une valeur inestimable.

Ainsi, la glaçure céramique est bien plus qu’une simple finition, c’est une signature artistique qui transforme humblement la poterie en une œuvre d’art. À travers les âges, elle a évolué, s’adaptant aux styles, aux époques, et aux contraintes, tout en préservant son essence créative.

Composition et toxicité de la glaçure céramique : plomb, cadmium, antimoine,…

Rappelons que la plupart des ingrédients de glaçage céramique utilisés à ce jour contiennent notamment de la silice, de l’alumine, un agent fondant (plomb,…) et un colorant. De la sorte, les différents ingrédients de chaque glaçage subissent une réaction chimique lors de la cuisson, ce qui donne un produit fini unique.

La toxicité des composants (produits chimiques ajoutés, etc.) est contrôlée depuis plusieurs décennies avec plus ou moins de rigueur selon les provenances. Toutefois, il existe des normes à respecter dans certains pays et exigées pour obtenir certains labels, comme l’écolabel européen. [2]

Les émaux colorés utilisés sur les ustensiles de cuisine en céramique peuvent renfermer des métaux lourds tels que le plomb ou le cadmium. Lorsque ces ustensiles entrent en contact avec les aliments, il existe un risque que ces substances toxiques soient libérées à des degrés variables par la céramique. La migration du plomb et du cadmium de la céramique vers les aliments dépend non seulement de la qualité de l’émail, mais aussi, de manière plus spécifique, de la température à laquelle la céramique a été cuite, du type d’aliment et de la durée du contact.

Il est crucial d’être conscient de ces facteurs, car la sécurité alimentaire est primordiale. Lorsque vous choisissez des ustensiles de cuisine en céramique, privilégiez des émaux de haute qualité et vérifiez les informations sur la cuisson de la céramique. La température de cuisson, le type d’aliments que vous préparez et la durée du contact peuvent influencer la libération potentielle de métaux lourds.

Pour assurer une utilisation sûre de la céramique en cuisine, soyez attentif à ces détails lors de l’achat de vos ustensiles. Optez pour des produits fabriqués avec des émaux sûrs et bien cuits, minimisant ainsi les risques liés à la migration de métaux lourds vers vos aliments. La sécurité de votre cuisine et de vos repas mérite une attention particulière, et des choix éclairés garantissent une expérience culinaire sans danger.

Plusieurs études se sont déjà penchées sur le sujet de la toxicité de certains composés de la glaçure suite à des cas de contamination, notamment au plomb. En effet, « les céramiques contaminées au plomb en provenance du Mexique, de Chine et de certains pays européens sont des sources bien établies d’intoxication au plomb cliniquement significative. Les émaux au plomb sont traditionnellement utilisés sur les produits en céramique et en verre, car ils sont faciles à utiliser, ajoutent de la couleur et offrent une finition lisse et brillante ». [3]

Altération des bienfaits du thé vert par la glaçure céramique

Altération des bienfaits du thé vert par la glaçure céramique

Les différents thés (thé vert, thé noir, thé blanc, matcha, thé pu-erh) contiennent de façon variable des flavonoïdes tels que les catéchines, qui présentent de nombreux bienfaits pour la santé. Aujourd’hui, des chercheurs de l’Institut de technologie de Nagoya (Nagoya Institute of Technology) [4], au Japon, révèlent que la glaçure des services à thé en céramique joue un rôle crucial dans la conservation des composants bénéfiques du thé, en particulier du thé vert.

En examinant les effets de différentes glaçures sur la teneur en catéchine du thé vert, ils constatent que le choix des matériaux de glaçage affecte la concentration de ces composés, ainsi que la couleur et la saveur du thé.

Introduit comme boisson aux vertus médicinales vers 2700 av. J.-C., le thé, tout comme le café, est devenu l’une des boissons les plus populaires au monde. De plus, l’une des principales raisons de sa popularité est sa riche teneur en flavonoïdes et polyphénols, qui contribuent aux propriétés antioxydantes, à la saveur et à l’arôme du thé, offrant ainsi divers avantages potentiels pour la santé.

Ces composés sont extraits des feuilles de thé pendant l’infusion et peuvent être influencés par plusieurs facteurs, tels que la température de l’eau, le temps d’infusion et les matériaux utilisés dans les récipients de préparation du thé.

Le choix de la glaçure céramique joue un rôle clé dans la rétention des flavonoïdes catéchiques

Récemment, des chercheurs de l’Institut de technologie de Nagoya (NITech) au Japon ont révélé pour la première fois que le choix de la glaçure des services à thé en céramique utilisés pour préparer le thé joue un rôle clé dans la rétention des flavonoïdes catéchiques.

Dans leur étude, le professeur agrégé Takashi Shirai, ainsi que le Dr Yunzi Xin, M. Sota Shido et le Dr Kunihiko Kato du Advanced Ceramics Research Center de NITech, ont examiné l’impact de quatre glaçures japonaises typiques commercialisées (Oribe, Namako, Irabo, Toumei) sur la teneur en catéchines, le flavonoïde le plus abondant présent dans le thé vert.

Bien que les revêtements de glaçure céramique soient principalement constitués de minéraux feldspathiques (groupe de minéraux alumino-silicatés naturels contenant des teneurs variables d’autres éléments chimiques), tels que des oxydes de silicium, d’aluminium, de sodium et de calcium, ils contiennent également des espèces d’oxydes métalliques distinctes qui confèrent une apparence et une texture uniques au récipient en céramique.

Par exemple, la glaçure Oribe contient principalement des oxydes de cuivre (Cu) et confère une couleur verte éclatante, tandis que la glaçure Namako contient des oxydes de cobalt (Co) pour un aspect bleu foncé. L’émail Irabo contient des oxydes de fer (Fe) qui confèrent des tons orange, tandis que l’émail Toumei a une teneur élevée en titane (Ti), offrant une finition transparente.

Pour examiner l’effet de la glaçure céramique sur les catéchines du thé, les chercheurs ont préparé une solution de thé vert en utilisant de l’eau échangeuse d’ions à 80°C pendant trois minutes. Les feuilles de thé ont été séparées et le surnageant (liquide se trouvant au-dessus des résidus solides) a été mélangé à des poudres de glaçure appliquées sur des carreaux de céramique. Le mélange glaçure-thé a ensuite été laissé réagir pendant six heures, suivi de l’élimination de la poudre de glaçure par centrifugation et filtration.

De la sorte, les chercheurs ont observé que la solution de thé vierge avait une couleur jaune vif claire, mais après six heures de dégradation, elle s’est transformée en une couleur brun jaunâtre. En revanche, les solutions de thé dégradées par différentes glaçures présentaient des couleurs noires ou brunes plus foncées. En d’autres termes, l’ampleur du changement de couleur dépend largement du type d’émail.

Service à thé en céramique

Le thé vert infusé par des services à thé en céramique spécifiques peut être transformé en thé noir

De plus, les chercheurs ont également observé une réduction sélective de la quantité de catéchines altérées dans le thé. Les solutions de thé mélangées aux glaçures Oribe, Namako et Irabo présentaient des concentrations significativement plus faibles d’épicatéchine, de gallate d’épicatéchine, d’épigallocatéchine et de gallate d’épigallocatéchine (des composés organiques de la famille des flavanols), tandis que la glaçure Toumei dégradait sélectivement le gallate d’épigallocatéchine.

La réduction de la concentration en catéchine et le changement de couleur qui en résulte peuvent être attribués au processus d’oxydation des catéchines, qui forme des théarubigines brunâtres (famille de polymères organiques de nature phénolique et polyphénolique) et de la théaflavine rouge-orange (polyphénols) et ses pigments oxydes.

Enfin, les chercheurs précisent, « au cours du processus de dégradation, les oxydes de cuivre (Cu), de cobalt (Co), de fer (Fe) et de titane (Ti) contenus dans les poudres de glaçure peuvent agir comme un catalyseur acide de Lewis (catalyseurs très puissants dans les réactions organiques, ndlr) et favoriser l’oxydation des molécules de catéchine en ortho-quinones, suivie d’une réaction supplémentaire pour former des théarubigines et/ ou la théaflavine et ses oxydes. Une autre voie d’oxydation consiste à polymériser des catéchines radicalaires libres intermédiaires. Et il est très intéressant que les théarubigines et les théaflavines soient les principaux composants du thé fermenté comme le thé noir. En d’autres termes, le thé vert infusé par des services à thé en céramique spécifiques peut être transformé en thé noir ». [1]

En conclusion, cette étude souligne que le choix des matériaux de glaçure utilisés dans les services à thé en céramique peut affecter de manière significative la concentration de composés bénéfiques tels que les catéchines dans le thé. La fonction spécifique des émaux sur la dégradation des catéchines fournit non seulement des informations principales pour la conception et le développement de matériaux fonctionnels, mais peut également avoir un impact sur la consommation quotidienne de thé et sur les problèmes de santé humaine à long terme.

Sources

  1. Xin, Y., Shido, S., Kato, K. et al. Glazes induced degradation of tea catechins. Sci Rep 13, 10507 (2023). https://doi.org/10.1038/s41598-023-37480-8, https://www.nature.com/articles/s41598-023-37480-8
  2. L’écolabel européen. Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. 2023. https://www.ecologie.gouv.fr/lecolabel-europeen
  3. Fralick M, Thomspson A, Mourad O. Lead toxicity from glazed ceramic cookware. CMAJ. 2016 Dec 6;188(17-18):E521-E524. doi: 10.1503/cmaj.160182. Epub 2016 Oct 17. PMID: 27754890; PMCID: PMC5135532. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5135532/
  4. Institut de technologie de Nagoya (NITech). https://www.nitech.ac.jp/eng/