Le secteur de l’agriculture biologique s’agite depuis plusieurs années en Occident, et l’Europe a connu sa vague de développement pour atteindre fin 2015, « 11,2 millions d’hectares » cultivés.
Cependant, tous les pays dits « développés » ne sont pas au même niveau sur cette tendance du « tout bio », avec les supermarchés de produits bio et autres restaurants bio que l’Europe voit pousser comme des champignons.
Ce pari d’une agriculture locale et bio n’est pas isolé. Pendant que la France et l’Union Européenne se chamaillent avec les agriculteurs qui cultivent en bio, le gouvernement du Salvador soutient ses agriculteurs et entame sa révolution bio en interdisant près de 70 pesticides. Autre exemple, le Japon voit aussi un soudain développement pour le marché du bio. Comme le montre l’implantation récente de l’enseigne française Bio’C’Bon à Tokyo (dans le cadre d’une joint-venture avec AEON, premier circuit de distribution japonais), le développement du catalogue de différentes marques, de lieux comme l’excellent Rota Café, de manifestations comme le premier festival Vegan et de produits bio à Fukuoka, ou de l’initiative de cultivateurs-producteurs de thé vert et de matcha pour un retour à une agriculture bio et à la permaculture.
Fin 2015, 268 665 exploitations agricoles cultivaient plus de 11,2 millions d’hectares selon le mode biologique dans l’Union européenne à 28 (y compris les surfaces en conversion). La bio représentait 6,2 % de la Surface Agricole Utile (SAU) européenne en 2015. Le marché bio de l’Union européenne a atteint 25,5 milliards € en 2014. / sources Agence Bio
Qui veut la peau du bio ?
Lorsque le secteur du bio a eu le vent en poupe en Europe au début des années 2000, les agriculteurs étaient (un peu) soutenus par les États pour développer leur expansion, réapprendre les méthodes traditionnelles de culture, loin des produits chimiques. Mais ce doux rêve, qui n’a pas été sans combat de la part des agriculteurs, a aussi son revers de médaille comme le montrent les derniers échanges au Parlement à Bruxelles sur l’avenir de l’agriculture biologique.
L’avenir de cette agriculture est en danger. La révision du règlement européen sur l’agriculture biologique est en discussion depuis près de trois ans et les dernières réunions houleuses du comité spécial agriculture révèle des tensions.
Cette situation est purement grotesque. Après avoir combattu pour essayer de démocratiser l’offre en produits bio, l’Europe remet en cause une agriculture qui devrait être généralisée. Le bio devrait être l’alimentation de base et non pas l’inverse. Manger bio ne doit pas être un luxe réservé aux plus riches et aux plus avertis. Les pollueurs et les assassins industriels comme MonsanTROP, MacGROSnald, StarBEURK, CACAcola, pour ne citer qu’eux, ne devraient pas avoir cette place dans nos terres, nos villes, nos supermarchés, et nos frigidaires.
Sous couvert de rentabilité et de création d’emplois, le sacrifice engendré donne naissance à des générations de personnes malades, et des futurs abrutis lobotomisés, tous derrière leur smartphone, comme un « bétail humain moderne » — d’ailleurs l’esclavage humain n’a pas disparu et semble reprendre la place publique.
Le fait de ne pas aller jusqu’au bout dans le soutien des agriculteurs bio (qu’on classe à tort d’agriculture non conventionnelle, mais ne prenons pas le pouvoir de la négation à la légère !) montre que les dirigeants politiques sont plus souvent amateurs de bling-bling, de tendances et de résultats immédiats, que d’être dans leur rôle, avec un combat pour de vraies causes. C’est pathétique de voir autant de bêtise.
L’agriculture bio ne va pas sauver la planète, ni régler nos problèmes de santé. Mais pourquoi ne pas y croire ? Le fait d’avoir un modèle de pensée et de fonctionnement qui remet en cause tout un système usé et pourri par l’argent et les pesticides, a possiblement des chances de porter ses fruits — un peu sur le court terme et sûrement sur le long terme (pensons à nos enfants maintenant). D’ailleurs, une étude publiée le 14 novembre 2017 dans la revue scientifique Nature Communications, révèle que l’agriculture biologique peut apporter une contribution importante à la nutrition mondiale et au développement durable.
Une conversion mondiale en agriculture biologique ?
Une conversion mondiale à l’agriculture biologique peut contribuer à un système alimentaire profondément durable, à condition qu’il soit associé à d’autres mesures, notamment une réduction d’un tiers des produits d’origine animale dans l’alimentation humaine, des aliments moins concentrés et moins de déchets alimentaires.
En même temps, ce type de système alimentaire a des effets écologiques extrêmement positifs, à savoir une réduction considérable des engrais et des pesticides, et réduit les émissions de gaz à effet de serre – et n’entraîne pas une augmentation de l’utilisation des terres malgré des rendements agricoles plus faibles. Tels sont les résultats de cette nouvelle étude réalisée par le Département d’écologie sociale de Vienne (Autriche), en affiliation avec des équipes Allemandes, Italiennes, Anglaises et Suisses.
Les données disponibles indiquent que les conséquences négatives de l’agriculture sur l’environnement continueront d’augmenter de façon spectaculaire jusqu’à l’horizon 2050, si les prévisions de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’avéraient exactes et si les tendances actuelles persistaient. A cet effet, la FAO suppose une population de plus de 9 milliards de personnes et une augmentation des habitudes nutritionnelles nécessitant des volumes importants de ressources telles que l’eau, l’énergie et la terre, comme c’est le cas avec un niveau élevé de consommation de viande.
L’agriculture biologique implique une gestion prudente de l’environnement et des ressources et est fréquemment présentée comme une solution potentielle aux défis auxquels nous sommes actuellement confrontés. D’autre part, les critiques soulignent que ce passage aux méthodes biologiques impliquerait un niveau beaucoup plus élevé de l’utilisation des terres, et ne peut donc pas être considérés comme une alternative viable.
Les résultats révèlent que, combinée avec l’abstention de l’utilisation d’aliments concentrés dans l’élevage, une réduction correspondante de la consommation de produits animaux et une baisse des déchets alimentaires, l’agriculture biologique a le potentiel de jouer un rôle important dans un système de nutrition durable.
Enfin, de cette manière, il serait possible d’assurer les besoins en nourriture de la population mondiale même dans le cas d’une population de plus de 9 milliards en 2050. L’utilisation des terres n’augmenterait pas et les effets négatifs non plus. De plus, un tel système réduirait considérablement les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’utilisation des terres et des systèmes d’élevage, qui sont des moteurs importants du changement climatique.
Cependant, tant que les changements dans les modes de consommation ne seront pas mis en œuvre, les critiques auront raison. Les méthodes d’agriculture biologique concomitantes à des modes de consommation inchangés entraîneraient une demande accrue de terres. Cela compenserait les avantages de l’agriculture biologique et réduirait ainsi, voire remettrait en cause, de manière significative, sa contribution au développement durable.
Pour conclure, toutes les mesures à mettre en place nécessitent un cahier des charges issu d’une réflexion et non d’un compromis politique. Malheureusement, aujourd’hui, manger des choses simples, saines, bio et locales (à un prix raisonnable) est un acte militant, tout comme simplement lire un livre, méditer, écrire une carte postale de vœux à ses grands-parents. Si le business obsède un grand nombre, alors faisons de cette obsession une chose positive, développons un business social, responsable, sain et bio. Le « Vivant » doit rester au centre.
© Blog Nutrition Santé – Jimmy Braun – Novembre 2017
Sources externes
- « Strategies for feeding the world more sustainably with organic agriculture« , Nature, Novembre 2017, DOI: 10.1038/s41467-017-01410-w, https://www.nature.com/articles/s41467-017-01410-w
- « Bruxelles se penche sur l’avenir de l’agriculture biologique« , http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/11/20/l-avenir-de-l-agriculture-biologique-se-joue-a-bruxelles_5217372_3234.html
- « L’état supprime les aides au maintien de l’agriculture bio« , http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/09/22/l-etat-supprime-les-aides-au-maintien-de-l-agriculture-bio_5189584_3234.html
- « Bio : une nouvelle réglementation européenne d’ici 2021« , https://www.consoglobe.com/bio-une-nouvelle-reglementation-europeenne-dici-2021-cg
- « Agriculture biologique : le Salvador entame sa transition« , https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/agriculture-biologique-le-salvador-entame-sa-transition_2480297.html
- « Le marché des produits issus de l’agriculture biologique au Japon« , https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/15551_le-marche-des-produits-issus-de-lagricultire-biologique-au-japon
- « Bio c’ Bon : la chaîne de magasins biologiques français arrive à Tokyo« , http://www.ccifj.or.jp/news-japon/actus-entreprises/n/48168/bio-c-bon-la-chaine-de-magasins-biologiques-francais-arrive-a-tokyo/
- « Manger bio et végétarien à Tokyo, c’est possible !« , http://ameliemarieintokyo.com/manger-bio-et-vegetarien-tokyo-cest-possible/
- « VIDEO. Indignation internationale après les images de CNN sur l’esclavage en Libye« , https://www.francetvinfo.fr/monde/libye/esclavage-en-libye-indignation-internationale_2480409.html